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Discours du Président de groupe FDM-ES Mehdi Benlahcen au ministre Jean-Baptiste Lemoyne

Monsieur le ministre,

Vous l’avez rappelé dans votre discours, vous ouvrirez aujourd’hui à 14h le colloque sur l’enseignement français de la députée Samantha Cazebonne.

Autant vous le dire simplement, le groupe FDM-ES refuse de s’insérer dans la commande présidentielle du doublement des effectifs dans les établissements d’enseignement français à l’étranger à coûts constants pour l’Etat. Notre postulat de départ n’est pas animé par le conservatisme et n’est pas un repli sur soi.  Nous voulons le développement du réseau, qu’il remplisse pleinement sa double mission de scolarisation des enfants français à l’étranger avec la plus grande équité et mixité sociale possible et de rayonnement de la France.

Mais ce développement est celui d’un service public dans lequel l’État investit. Toute trajectoire de privatisation du réseau nous semble contre-productive à moyen terme. Nous parlons ici aussi de rationalité financière. Comme pour toute privatisation, quand on brade un service public de qualité au privé, tôt ou tard, c’est le contribuable qui en fait les frais.

Certains groupes privés s’affairent en ce moment autour du “produit” de l’enseignement français à l’étranger et l’Etat s’empresse de lui offrir des “parts de marché” afin de remplir la commande du doublement à coûts constants.  Or ces groupes ne sont pas là par philanthropie. Tôt ou tard, il est à craindre qu’ils chercheront la rentabilité maximum, le retour sur leur investissement du moment, laissant les familles dans le désarroi.

Que se passera-t-il lorsque ces établissements auront atteint leur vitesse de croisière? Comme toute entreprise privée, la recherche de profits, la réduction des coûts et l’augmentation des marges seront à l’ordre du jour. La qualité baissera ou les frais de scolarité s’envoleront et la mission de service public sera dévoyée. Soyons-en sûrs, l’Etat sera alors appelé à la rescousse. Nous refusons ce pari hasardeux. Au delà, de l’enseignement français à l’étranger l’augmentation des frais à l’université pour les élèves étrangers nous semble problématique.

  1. L’ouverture au monde, le rayonnement de la France passe par cette capacité d’accueil égalitaire des étudiants étrangers. La mixité sociale est une richesse. Mettre des barrières financières, c’est envoyer un très mauvais signal de repli sur soi de rejet. Philosophiquement, cette hausse est du même ordre que la circulaire Guéant.

  2. Nombre d’universités sont d’ailleurs contre cette mesure, preuve de leur attachement à l’accueil des étudiants étrangers hors UE.

  3. Le gouvernement négocie des exonérations massives au cas par cas. Les doctorants ne sont finalement plus concernés (de quoi penser qu’on est bien dans une stratégie d’immigration choisie et pas de rationalité financière). Les étudiants québécois sont exonérés, les Tunisiens négocient à la fois un accord global et des accords particuliers université par université.

  4. Le réseau AEFE n’est pas universel, les élèves qui, dans leur pays, ont fait l’effort d’apprendre le français au niveau B2 afin de pouvoir venir en France ne doivent pas être discriminés.

  5. Nous souhaitons donc que la mesure soit abandonnée pour les élèves du réseau AEFE comme pour tous les étudiants étrangers ayant fait l’effort d’acquérir la langue française et, motivés par la qualité de notre système d’enseignement supérieur, souhaitant réaliser une partie ou tout leur cursus universitaire en France, sans discrimination de position sociale.

  6. Concernant le plan de réduction de la masse salariale de 10% dans nos ambassades, nous ne pouvons que manifester notre très grande inquiétude.


S’il est tout à fait légitime d’éviter de faire poursuivre par des agents des tâches qui peuvent être dématérialisées, nous estimons que la présence humaine est importante et qu’il faut surtout une redéfinition des métiers parmi lesquels les métiers consulaires qui nous affectent directement. Partir d’un objectif chiffré aussi massif de réduction nous semble un très mauvais point de départ.

Il faut accompagner les usagers dans leur utilisation des outils numériques, proposer des réunions d’information et de formation (par exemple: comment utiliser servicepublic.fr de manière optimale).

En général, la capacité d’information du public par des réunions diverses (dont le notariat et les JDC, les conseils consulaires), l’accueil des nouveaux arrivés dans le pays avec présentation des services doit être maintenue voire renforcée.

L’accompagnement humain, administratif, juridique doit être au cœur des métiers consulaires. Remettre des magistrats de liaison répartis entre coopération judiciaire et accompagnement des personnes en difficulté nous semblerait une bonne chose notamment pour les familles qui connaissent des divorces très conflictuels et douloureux.

Créer des services de médiation publique serait également une excellente chose.

Hors métiers consulaires: il faut renforcer les moyens humains des SCAC, déjà à l’os et chargés de nouvelles missions de prospection pour l’enseignement français à l’étranger.

Par ailleurs, le groupe FDM-ES est sensible et inquiet face à la situation des enfants français en Syrie. Ces enfants constituent également des Français de l’étranger.

Actuellement, des enfants français, dont plus des deux tiers ont moins de six ans, sont détenus arbitrairement au Kurdistan syrien dans des conditions extrêmement précaires les exposant directement à un risque de mort,

  1. Aucun enfant n’a choisi de naître sur zone ou de rejoindre DAECH, ils sont victimes du choix des adultes et sont, ainsi, des victimes de guerre.

  2. En deux mois, le nombre de femmes et d’enfants détenus au camp Al Hol est passé de 10 000 à 33 000 : les enfants manquent d’eau, de nourriture et de soins. Certains sont malades et tous – profondément marqués par ce qu’ils ont vu et subi – portent les stigmates des traumatismes de guerre.


Le groupe FDM-ES demande aux autorités françaises de tout faire pour que ces enfants soient rapatriés en France dans les meilleurs délais. Nous demandons également que nos institutions soient prêtes à les accueillir, qu’il s’agisse de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), des pédopsychiatres, des éducateurs, et des familles d’accueil spécialement formées à cet effet. Nous ne pouvons pas tergiverser plus longtemps, sauf à laisser périr des innocents qui demeurent, quel que soit le choix de leurs parents, nos enfants.

Monsieur le ministre, ces deux derniers mois ont été marqué par la séquence du Grand débat National. A l’étranger aussi les citoyens français se sont fortement mobilisés. A travers la tenue de débat physique bien sur, mais surtout à travers le baromètre lancé par l’association Français du monde-adfe  le 4 février dernier. Nos compatriotes d’Afrique, d’Amérique, d’Asie, d’Europe et d’Océanie ont répondu très nombreux à notre appel.

La présidente de l’association Français du monde-adfe, Mme la sénatrice Claudine Lepage, vous remettra tout à l’heure les 3814 doléances extraites des 16 400 réponses (c’est 3 fois plus que les chiffres des réunions officielles) de cette grande enquête. Ces doléances illustrent les inquiétudes et les demandes des Français établis hors de France.

Nous vous souhaitons une lecture assidue des 308 pages de doléances ainsi compilées, et vous demandons que les doléances des Français de l’Etranger ici exprimées soient spécifiquement intégrées au grand débat national.

Permettez-moi de mettre en lumière un résultat majeur de ce baromètre. A la question posée sur la représentation des élu·es de français à l’étranger, nos compatriotes s’estiment mieux représentés par leur conseillers consulaires, de la même manière qu’au niveau local en France. Illustration s’il en est que les conseillers consulaires sont connus et reconnus par nos concitoyen, signe sans doute que la réforme de 2013 a su trouver la place. Fortement la chambouler serait une erreur.

Enfin monsieur le ministre, comme vous le savez nos compatriotes résidants hors de l’UE ont été tenu à l’écart de la mesure mettant fin à la soumission des revenus immobiliers de source française aux prélèvements sociaux (CSG-CRDS).

Nous ne cessons depuis de l’affirmer avec force, cette situation créée une discrimination de fait et un traitement inégalitaire entre Français établis en Europe et Français vivants au-delà des frontières de l’UE, et face à cette situation, nos concitoyens ont été très nombreux à réagir à travers le monde.

Notre collègue Yan Chantrel, Conseiller consulaire au Canada a initié une pétition que nous avons eu l’occasion de relayer en Asie par l’intermédiaire de Florian Bohême, et en Océanie par l’intermédiaire de Jean-Philippe Grange, Conseiller AFE en Océanie. Elle a recueilli plus de 3300 signatures de concitoyens demandant l’égalité de traitement et la suppression immédiate des prélèvements sociaux sur les revenus immobiliers de source française.

Ainsi monsieur le ministre, je porte aujourd’hui à mon poignet gauche un bracelet au couleur du Canada, circonscription qui a initié cette pétition. C’est un bracelet un peu spécial, il s’agit d’une clé USB qui renferme les 3300 signatures de la pétition.

Nous vous invitons à la porter au poignet, et à ne l’enlever qu’une fois le problème résolu.

Aussi je vous remets cette clé, en vous disant comme le célèbre poète normand : « Voici la clé pour le cas où tu changerais d’avis ».

Merci

Mehdi Benlahcen

Président du groupe Français du monde, Ecologie et Solidarité à l’AFE

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